L’amidonnerie poursuit sa croissance, non sans inquiétudes
Si l’amidonnerie française a connu une demande forte en 2022, l’Usipa, syndicat représentant les entreprises du secteur (ADM, Cargill, Roquette et Tereos), n’a pas manqué de partager ses préoccupations pour l’exercice en cours, lors d’une conférence, jeudi 28 septembre, à Paris.
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Avec 3,3 Mds€ de CA en 2022, l’amidonnerie française enregistre une croissance de 4,8 %. « L’année 2022 a été une année charnière, observe Mariane Flamary, déléguée générale de l’Usipa, lors d’une conférence donnée par le syndicat, jeudi 28 septembre, à Paris. En effet, 2021 était une année de croissance mondiale, de reprise post-Covid, avec une demande forte. Puis, dans un contexte inflationniste, nous avons vu dès le dernier trimestre 2022 un ralentissement de la croissance mondiale et, depuis 2023, la demande ralentit à vive allure. »
Les surfaces de maïs au plus bas
Si l’amidonnerie représente d’importants débouchés pour les grandes cultures françaises, des craintes planent sur la disponibilité du maïs et de la pomme de terre féculière. « En 2022, l’épisode caniculaire a fortement impacté les rendements de pomme de terre féculière, en baisse de 30 % », relève Mariane Flamary. Pour le maïs, c’est la diminution des surfaces qui inquiète. « En 2023, les surfaces emblavées ont encore reculé de 8 à 10 %. Depuis 30 ans, nous n’avions jamais eu aussi peu de maïs et c’est une réelle inquiétude puisque nos sites sont spécialisés par matière première. De plus, l’amidon de maïs n’est pas substituable pour certains débouchés à haute valeur ajoutée comme la pharmacie ou la nutrition infantile », ajoute-t-elle.
Côté débouchés, l’alimentaire continue de gagner du terrain avec 56 % des usages contre 54 % en 2021. La partie non alimentaire, elle, voit pour la première fois le segment de l’industrie pharmaceutique et chimique passer devant celui de la papeterie, client historique de l’amidonnerie. « L’amidon représente pour la cosmétique un substitut aux produits fossiles utilisés. Quant à la papeterie, elle est victime de l’informatisation », remarque Mariane Flamary.
Distorsion de concurrence
En 2022, l’amidonnerie française a réalisé 75 % de ses ventes à l’export, dont 71 % en direction de l’Europe. « On note un recul des ventes vers le grand export, et notamment vers la Chine où les coûts de production sont inférieurs à ceux de la France », explique Mariane Flamary. Le secteur regarde également avec vigilance les projets d’accords de libre-échange que la Commission européenne envisage de signer avec le Mercosur, la Thaïlande et l’Indonésie. « Ce sont trois géants agricoles, producteurs d’amidon et de fécule, s’inquiète-t-elle. L’ouverture, demain, d’un marché européen de l’amidon produit dans des conditions de marché différentes de celles de la France remettrait en question sa compétitivité. »
De plus, l’amidonnerie s’interroge sur le cours des matières premières agricoles qui pourraient de nouveau flamber en raison des tensions sur le corridor maritime ukrainien et du phénomène climatique El Niño qui revient dans l’océan Pacifique. L’inflation, elle aussi, questionne. « Va-t-elle continuer de décroître ou va-t-elle rester élevée ? C’est un critère important puisqu’il va impacter la demande mondiale », souligne-t-elle.
Enfin, Claude Risac, président de l’Usipa, a alerté sur le possible retour de la taxe poids lourds dans certaines régions à l’instar du Grand Est et de l’Occitanie. « Cela nuirait à la compétitivité de certains territoires », craint-il.
Vers le recyclage de l’eau
Or il est indispensable de maintenir la compétitivité du secteur pour financer la décarbonation. En effet, sa mise en œuvre est estimée entre 1,1 et 1,4 Md€ à l’horizon 2030. Aussi, la gestion de l’eau reste un enjeu majeur pour le secteur qui a réduit sa consommation de 13 % sur ces quatre dernières années. « Certaines amidonneries sont aujourd’hui très optimisées et arrivent à un palier, prévient Mariane Flamary. Il faut désormais aller vers le recyclage et le réemploi de l’eau. »
Et si l’amidonnerie pensait pouvoir compter sur un texte incitatif du décret « Reut », ce n’est pas ce qu’ont reflété les premiers extraits. « Au vu des lourdeurs administratives imposées par le texte, cela ne permettra pas la mise en place d’initiatives et de faire du recyclage », prévient-elle. La profession a alors alerté les pouvoirs publics. La prochaine version sera-t-elle plus favorable ? Réponse fin octobre.
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